L'arrivée de Mac Law |
L'actuel intra-muros n'est au VI ème siècle peuplée que de quelques bergers et pêcheurs réunis autour d'un ermite Aaron.
Fondation de Saint-Malo |
Après les guerres incessantes entre Francs et Bretons et les invasions normandes au début du Xème siècle, les habitants de l'antique Alet migrent vers la cité actuelle dont la position permet une défense plus solide.
En 1146, Jean de Chatillon, évêque d'Alet transfère le siège épiscopal sur l'îlot rocheux. Il étend la ville et la fortifie: des remparts sont élevés, renforcés de nombreuses tours dont "La Découvrance".
A cette époque, à la tombée de la nuit, une milice monte la garde sur les remparts tandis que les "chiens du guet" sont lachés sur les grèves qui les entourent pour protéger les chantiers navals installés aux pieds des fortifications.
"Le soir lorsque les portes étaient fermées
et que la mer encerclait l'île, un homme allait avec une
sonnette de rue en rue, avertissant les chrétiens de prier
pour un de leurs frères décédé...
Les Malouins, réunis sous une même clé, ne
formaient plus qu'une seule famille" (Chateaubriand)
La guerre de Cent Ans - Du Guesclin |
Durant la guerre de Cent Ans, Saint-Malo se trouve souvent mêlée au conflit.
En juin 1378, les Anglais débarquent 12 000 hommes et 400
bombardes sur le bras de sable qui relie le rocher à la
terre (l'actuelle plage du sillon). Installés aux portes
de la ville, ils en font le siège. A plusieurs reprises
les assaillants sont repoussés. Le siège semble
s'éterniser, quand le connétable Du Guesclin natif
de Dinan, cité voisine, décide d'intervenir. Il
s'installe sur les collines de Saint-Servan (l'ancienne cité
d'Alet) et profitant de la marée basse prend l'ennemi à
revers, lui infligeant de lourdes pertes. La marée montante
interrompt les combats, mais, finalement découragés
par l'opiniatreté des malouins et au fait des multiples
ruses qui commencent à faire la réputation de Duguesclin,
les Anglais préfèrent se retirer au début
de l'hiver (décembre 1378).
A cette époque, la ville reste dominée par l'autorité
ecclésiastique nommée directement par le Pape. Cependant
depuis le début du XIIIème siècle, elle ne
cesse d'être convoitée par les Ducs de Bretagne.
En 1394, aux prises une fois de plus avec un Duc de Bretagne,
la ville se voit cédée par le pape Clément
VII au Roi de France Charles VI, elle devient une enclave française
en terre bretonne.
Saint-Malo est convoitée
Le "Grand Donjon"
Saint-Malo reste un temps sous domination française, mais la guerre de Cent Ans s'éternise et le Duc de Bretagne, Jean V, prête main forte à Charles VII contre les Anglais.
En récompense, ce dernier offre la ville de Saint-Malo
au Duc de Bretagne (1415).
Mais la petite cité a profité de la guerre pour
s'enrichir grâce à ses corsaires. Elle ne voit pas
d'un très bon il de dépendre d'un maître
moins puissant mais beaucoup plus présent que le lointain
monarque français.
En vue d'asseoir son autorité sur les malouins, Jean V
entreprend de construire, en 1424 à l'extérieur
des remparts de l'époque, une tour imposante: le "Grand
Donjon".
Construction de la "Générale"
Louis XI succède à Charles VII. François II est Duc de Bretagne.
Pour réaffirmer sa domination sur la ville que pourrait
lui dénier le Roi de France, François II fait construire
en 1475 la "Générale", massive tour médiévale
surplombant les grèves près du Grand Donjon .
Bien protégée derrière ses murailles, la
cité corsaire ne cesse de prospérer. Mais, située
à la frontière de la France et de la Bretagne, elle
reste toujours un enjeu pour les deux parties.
C'est à partir du rattachement à la France (1491)
que la ville va réellement se développer, profitant
d'avantages naturels remarquables: la grande amplitudes des marées
donne à heures fixes de grandes profondeurs d'eau, précieuses
pour l'ancienne navigation.
Anne de Bretagne et Saint-Malo
Le 6 février 1492, la Duchesse Anne est couronnée
"Reine de France". Face à la Générale
et tournée vers la ville dont une rébellion est
toujours possible, la jeune souveraine fait édifier l'imposante
tour "Quic-en-Groigne" dont le nom vient de la réponse
faite aux Malouins qui protestent contre sa construction : "Quic-en-Groigne,
ainsi sera, car tel est mon plaisir".
Découverte du Canada
La fierté de ses habitants et les exploits de ses corsaires
ont commencé de forger l'âme malouine, la réputation
de ces marins et la richesse de ses habitants. C'est certainement
en partie pour cela qu'en 1534, Jacques Cartier réussit
à gagner la confiance de François 1er
et peut ainsi armer deux navires et s'élancer à
la découverte du "passage du Nord Ouest" vers
les Indes. Il ne découvre "que" le Canada et
remonte en partie le Saint-Laurent. Sa deuxième expédition
l'année suivante lui permettra de pousser jusqu'à
Québec puis Montréal . La troisième expédition
permet à l'illustre marin de parfaire son uvre en
préparant et en encadrant le peuplement du Canada par des
colons français.
En 1589 Henri IV est roi de France. Les malouins refusent de reconnaître
"l'hérétique".
La tension est forte entre le gouverneur réfugié
dans le château et la ville, solidement protégée
derrière ses remparts. Elle atteint son comble au soir
du 11 mars 1590. Une cinquantaine de jeunes malouins partent à
"l'abordage" du château. Au bout d'une bataille
acharnée, les jeunes mutins sont maîtres de la situation
et proclament leur "République".
Cette situation va perdurer quatre années, au cours desquelles
la devise malouine s'affirme : "Ni Breton, ni Français,
Malouin suis". La réconciliation se fait pourtant
avec la France en 1594 à la suite de la conversion d'Henri
IV. Celui-ci confirme les franchises et libertés de commerce
de Saint-Malo.
Depuis le début du XIIIème siècle, mais avec
quelques interruptions, Saint-Malo arme des corsaires et collabore
avec les forces de la flotte royale qui a souvent besoin de renforts
pour assurer la sécurité des navires de commerce
français. Au XVIIème siècle, les corsaires
se sont forgé une telle réputation que Louis XIV
décide de ne lever sur son navire amiral que des marins
de Saint-Malo.
La république malouine
La compagnie des Indes Orientales
Mais les malouins ne sont pas que d'habiles guerriers de la mer.
Ils savent aussi commercer et administrer. En 1714, ils reprennent
la "Compagnie des Indes Orientales", créée
en 1664 par Colbert et que la gestion du pouvoir central ne sait
rentabiliser. Sous la conduite de ces "Messieurs de Saint-Malo",
la Compagnie prospère et intensifie le commerce vers les
Indes par la côte de Coromandel d'où ils rapportent
épices et cotonnades indiennes aux riches couleurs. Ils
créent également un commerce important du café
à partir de Moka, entrée du Yémen.
A la fin du XVIIème siècle, Saint-Malo est, devant
Le Havre, le premier port du royaume.
La guerre à la Course sous Louis XIV
Cette époque est aussi celle des guerres menées
par Louis XIV. Sur les mers, le blocus anglo-hollandais sévit.
A la demande du Roi qui veut utiliser la position stratégique
à l'entrée de la Manche du port de Saint-Malo et
qui connaît l'efficience de ses marins, les malouins développent
alors la guerre à la Course. Grâce à une guérilla
incessante, les corsaires de Saint-Malo, alliés à
ceux de Dunkerque, vont forcer le blocus anglo-hollandais et réaliser
des prises spectaculaires. Ils mobilisent d'importantes ressources
maritimes (en moyenne, 45 navires corsaires et 5 à 6000
hommes levés par an). Sur une période de 25 ans,
Saint-Malo amasse un butin considérable et capture 260
vaisseaux de guerre et 3380 navires de commerce.
L'importance prise par Saint-Malo sous le Roi Soleil a fait prendre
conscience à celui-ci de la valeur stratégique du
site.
Les îlots fortifiés autour de Saint-Malo.
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Pour le protéger, à l'occasion de la guerre contre la Hollande, Garangeau renforce les remparts de la cité. Il érige le puissant "Bastion de la Hollande" et l'arme d'imposants canons. |
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La Machine Infernale |
Retranchée derrière les rochers qui l'entourent, Saint-Malo devient pour les Anglais un véritable "nid de guêpes" qu'ils rêvent de détruire.
C'est dans ce but qu'ils construisent à Londres une véritable
"machine infernale" : un bateau bourré de poudre
et de ferrailles y est préparé en secret. Le 26
novembre 1693, une flotte encadrant ce projet arrive en vue de
Saint-Malo et commence une attaque "classique" de la
cité. Au crépuscule, elle se retire derrière
le fort de la Conchée. Les malouins pensent avoir repoussé
l'ennemi, mais au début de la nuit une épouvantable
explosion vient illuminer les ténèbres et une pluie
de projectiles s'abat sur la ville. Heureusement, cette explosion
qui devait avoir lieu contre la tour Bidouane, poudrière
située dans les remparts de Saint-Malo, s'est déroulée
beaucoup plus au large. La machine infernale s'est échouée
sur des récifs et a manqué son objectif. La ville
est très peu touchée et aucune victime n'y est recensée.
Ainsi protégée par sa situation maritime exceptionnelle
et les fortifications que l'homme y a construit Saint-Malo vient
de réaffirmer de façon éclatante son caractère
inexpugnable.
Deux ans plus tard les Anglais tente à nouveau une prise
de Saint-Malo par la mer. Après trois jours de combat,
ils se retirent avec de lourdes pertes.
Duguay-Trouin
| Parmi les grands marins qui servent le Roi Soleil, Duguay-Trouin reste le plus connu. Très jeune, ses exploits le font remarquer et le Roi l'aide à affirmer ses qualités sur mer en lui confiant de nombreuses missions. Sa prise de Rio de Janeiro reste son plus haut fait d'armes et lui permet de mener sa carrière jusqu'au titre de Lieutenant Général des Armées Navales. |
Les Malouinières |
Si René Duguay-Trouin reste le plus grand malouin de l'époque, il ne fut pas seul. Les corsaires, commerçants, armateurs de la ville, outre les hôtels particuliers construits contre les remparts intra-muros se font bâtir dans la campagne environnante de splendides "Malouinières", grandes demeures nobles quoiqu'un peu austères encadrées de parcs verdoyants. |
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Le Siècle des Lumières à Saint-Malo |
En 1733, la ville perd définitivement son aspect insulaire, l'intra-muros est relié à la côte par une bordée de granit.
Elle n'en garde pas moins son fier caractère et sa capacité à "produire" les grands hommes.
Maupertuis, illustre mathématicien, membre de l'académie des sciences, est chargé de mesurer la longueur exacte d'un arc de méridien. Il embarque dans ce but en 1736. Ses travaux vont l'amener à découvrir l'aplatissement des pôles. Le roi de Prusse Frédéric II le nomme à la tête de l'académie de Berlin en 1744.
En 1768, par un sombre jour de tempête, un garçon
naît intra-muros. François René de Chateaubriand
entre ainsi de manière très personnelle dans une
vie mouvementée faîte d'aventures réelles
et littéraires qui vont constituer un tournant majeur de
la littérature française. Il va contribuer à
inventer le Romantisme et devenir celui dont Victor Hugo dira
: "Je veux être Chateaubriand ou rien...".
Au temps de la Révolution et de l'Empire |
Après 1789, La jeune République Française,
comme les rois avant elle, pour affirmer sa puissance sur les
mers et rompre le blocus maritime qui l'enserre, fait appel au
savoir faire incomparable des marins malouins. Dans l'océan
indien, en Manche et sur l'Atlantique les Le Même, Legars,
Potier, Gautier, Duparc ainsi que le très jeune Surcouf
battent pavillon tricolore et prennent d'assaut les navires de
toutes les nations européennes coalisées contre
ceux qui se sont levés pour renverser l'ancien ordre.
| Sous l'Empire, Surcouf aura également l'occasion de faire parler son tempérament. Autour de l'île Maurice qui lui sert de base de départ, il s'illustre par de nombreuses prises à l'abordage contre des navires beaucoup plus puissants et armés que le sien (prise du Kent en 1800). Peu de temps après le plus prestigieux de ces exploits dans l'océan Indien, il retourne au pays où il convole en juste noce. Il reprend la mer en 1807 pour une campagne éclair à bord du "Revenant". Bilan : 8 bâtiments anglais sont détruits ou capturés en Manche. |
La Fin de la course |
Napoléon abdique en 1814.
Cette date et les temps plus paisibles qui la suivent marquent la fin de la Course.
Globalement le port voit alors son activité décliner et l'esprit malouin taillé pour l'aventure, le risque et les grands espaces, faute d'enjeu à sa mesure s'enfonce dans le souvenir de son glorieux passé.
On arme alors pour le commerce et pour la "Grande Pêche".
La pêche à la morue sur les bancs de Terre-Neuve
qui est pratiquée depuis quelques siècles à
Saint-Malo s'intensifie. A l'aube du XX ème siècle
l'ensemble du pays malouin compte plus de 8000 inscrits maritimes
et envoie chaque année à partir du printemps plus
d'une centaine de Trois Mâts et de Goélettes vers
les eaux froides et brumeuses du "Grand Banc".
Station touristique |
| Au XIX ème siècle Saint-Malo voit le tourisme se développer à la demande principale des parisiens et des anglais qui apprécient le site et y construisent de riches villas. L'activité balnéaire se développe. Des régates sont organisées dans la baie, des concerts et des pièces de théâtres sont donnés pour l'aristocratie française, anglaise et même russe. Un casino est construit non loin de l'intra-muros. Après la côte d'Azur, la côte d'Emeraude devient la plus importante région touristique française. |
A l'heure actuelle, Saint-Malo est un port de plaisance recherché, une station balnéaire importante mais aussi le lieu d'événements importants comme le départ de grandes courses maritimes ou le lieu d'accueil d'importants festivals littéraires.